Les immenses ressources minérales dont regorge le sous-sol africain sont pour la grande majorité exploitées par des compagnies étrangères. Toutefois, malgré l’écrasante puissance et l’appétit de géants comme Barrick, Anglo American, Vedanta Resources, Vale ou encore Newmont, quelques sociétés du continent arrivent à tirer leur épingle du jeu. La série de portraits que vous propose l’Agence Ecofin s’arrête cette fois sur AngloGold Ashanti, un géant sud-africain de l’or. Issue d’une scission avec une compagnie étrangère, la société a réussi, à force de détermination, à se hisser dans le top 3 mondial des producteurs d’or et continue d’œuvrer pour tenir son rang international.
Une vague de restructuration pour demeurer au sommet
Lorsqu’AngloGold Ashanti annonce en février dernier la cession de ses derniers actifs sud-africains à Harmony Gold, elle tourne une page de son histoire. La société boucle en effet son retrait du pays qui l’a vu naître, il y a déjà deux décennies. La transaction, d’une valeur d’environ 300 millions $, comprend la mine d’or souterraine Mponeng et les mines de Tau Tona et de Savuka, ainsi que la filiale Mine Waste Solutions qui gère une opération de retraitement des déchets miniers.
C’est également la fin d’une stratégie annoncée, dès mai 2019, par la société qui recherche alors plus d’efficacité et de rendement pour ses projets. Les gisements d’or dans la nation arc-en-ciel s’épuisent progressivement et il faut désormais creuser très profondément pour récupérer le minerai, avec les risques d’accidents inhérents. Ladite stratégie a également vu la compagnie céder, en décembre dernier, la mine d’or Sadiola au Mali, dont les réserves s’épuisent, pour 105 millions $ dont la moitié est allée à son partenaire de coentreprise Iamgold.
« Cette transaction est conforme à notre stratégie […] de rationaliser notre portefeuille et d’intensifier notre concentration sur les actifs qui ont le potentiel de constituer une masse critique à long terme », explique Kelvin Dushnisky, PDG de la compagnie, qui quittera ses fonctions en septembre prochain.
Simple coïncidence ou décision préméditée, la vente de Sadiola intervient seulement quelques jours après la première coulée d’or à Obuasi, l’un des deux projets d’AngloGold au Ghana. Alors que les opérations ont été suspendues depuis 2014 afin de « reconstruire les fondations de la mine pour un avenir durable à long terme », le nouveau projet est « impressionnant ». Il vise en effet à accéder au corps minéralisé de 30 millions d’onces d’or qu’héberge le site, soit des ressources largement supérieures à celles des projets récemment cédés par la compagnie. La mine devrait produire, apprend-on, une moyenne annuelle comprise entre 350 000 et 400 000 onces sur les dix premières années.
Une ascension fulgurante
Pour devenir le troisième plus grand producteur mondial d’or au monde derrière le géant canadien Barrick et l’américain Newmont Goldcorp, AngloGold Ashanti a dû minutieusement exécuter une stratégie de ventes, acquisitions et développement de nouveaux actifs. Pourtant, à sa naissance vers la fin des années 90 sous le nom d’AngloGold Ltd, rien n’augurait encore d’un tel succès pour cette jeune entreprise.
AngloGold Ashanti est née en mai 1998, elle est alors une filiale d’Anglo American qui souhaite réunir en une entité indépendante ses actifs d’or et d’uranium. Preuve de la réussite de l’opération, la société devient en août de la même année la première société sud-africaine cotée sur le New York Stock Exchange.
AngloGold Limited acquiert ensuite des participations dans diverses sociétés, mettant la main par la même occasion sur une foule d’actifs, aussi bien en Amérique latine et en Australie, que sur le continent africain. On peut notamment citer une participation de 40% dans la mine d’or Morila au Mali, une autre de 50% dans Geita en Tanzanie ou encore l’acquisition d’Acacia Resources (Australie).
Elle tente dans la foulée de prendre le contrôle de l’australien Normandy Mining, mais échoue au profit de Newmont. Ce revers ne freinera pas longtemps sa stratégie d’expansion, car quelques années plus tard, en 2004, elle fusionne avec la société ghanéenne Ashanti Goldfields. Elle prend ainsi le contrôle des mines d’or Obuasi et Iduapriem (Ghana), et Siguiri en Guinée, devenant ipso facto (pour un temps du moins, Ndlr) la deuxième plus grande compagnie productrice d’or au monde. Dans le même temps, Anglo American vend progressivement sa participation dans la société et, depuis 2009, ne fait plus partie des actionnaires de la compagnie qui revendique désormais un statut de « producteur d’or indépendant sans investisseur dominant ». La compagnie est aujourd’hui présente sur 14 projets dans 10 pays répartis sur trois continents.
Zoom sur les actifs d’un géant de l’industrie minière mondiale
Plus de la moitié de la production du groupe AngloGold Ashanti provient du continent africain. Outre Iduapriem qui a produit 275 000 onces en 2019, la compagnie a enregistré une production de 366 000 et 213 000 onces, respectivement à la mine Kibali en RDC (coentreprise avec Barrick) et Siguiri en Guinée. Au Mali, la production attribuable au groupe a atteint 78 000 onces grâce à Sadiola et Morila. Avec les performances des mines sud-africaines, la production totale d’or en Afrique s’élève à près de 2 millions d’onces pour l’année 2019. L’autre important actif de la compagnie en Afrique est la mine Geita, située en Tanzanie
AngloGold Ashanti possède hors du continent africain diverses opérations minières en Amérique latine et en Australie. Elle détient une participation de 92,5% dans Cerro Vanguardia, une société qui gère en Argentine diverses installations à ciel ouvert et quelques mines souterraines. La compagnie exploite également via une filiale en propriété exclusive, le complexe aurifère de Cuiabá au Brésil, composé de deux mines d’or dans l’Etat de Minas Gerais. A cela s’ajoutent la mine d’or de Corrego de Sitio en activité depuis 1989 et le complexe de Serra Grande composé de trois mines souterraines. En Colombie enfin, la société est active depuis quelques années dans l’exploration aurifère grâce à une coentreprise avec B2Gold. Les activités de la compagnie en 2019 lui ont permis de produire 710 000 onces d’or pour toute la région Amérique latine, à un coût global de 736 $ l’once.
La présence d’AngloGold Ashanti en Australie, qui, faut-il le rappeler, est le deuxième producteur mondial derrière la Chine, mérite le détour. En 2019, en effet, la compagnie a produit dans le pays 614 000 onces d’or, soit presque autant que pour toute l’Amérique du Sud. Cette performance est à mettre à l’actif des deux seules mines d’or qu’elle possède dans le pays. Il s’agit de Sunrise Dam et Tropicana, situées toutes deux dans les gisements aurifères du nord-est de l’Etat d’Australie-occidentale.
Quelles perspectives dans le contexte économique actuel ?
AngloGold a produit 1,47 million d’onces d’or pour le premier semestre de l’année, grâce à une excellente performance de sa mine tanzanienne Geita, générant un EBITDA ajusté de plus du milliard de dollars et un chiffre d’affaires de 1,4 milliard $. En outre, les données de production, conformes à son objectif de 3,3 millions d’onces en 2020, lui ont également permis d’enregistrer un bénéfice qui a augmenté de plus de 200% en glissement annuel pour atteindre 677 millions $.
Malgré les effets de la pandémie de Covid-19, avec notamment une suspension des opérations sud-africaines en avril et en mai, la société a donc montré une résilience intéressante.
De telles performances ont été rendues possibles par un prix de l’or en hausse continue depuis le début de la pandémie de Covid-19. L’once du métal précieux a même atteint récemment la barre historique de 2000 $. A la fin de l’exercice financier 2020, la production aurifère d’AngloGold Ashanti devrait baisser en glissement annuel. Cependant les cours élevés de l’or, qui devraient toutefois se modérer en 2021 et 2022 selon S&P Global Ratings, devraient lui permettre de traverser la crise sans trop de problèmes.
Si elle bénéficie d’une note stable de la part des principales agences de notation (Moody’s, S&P ou encore Fitch), l’entreprise veut continuer avec une stratégie de développement prudente sur les prochains mois. Elle compte ainsi préserver son flux de trésorerie, atténuer les risques et maitriser ses coûts. Il faut noter que dans le contexte des fusions-acquisitions qu’a vécues l’industrie aurifère en 2019 (Barrick-Randgold, Newmont Mining-Goldcorp), des rumeurs relayées par Bloomberg faisaient état d’une possible fusion avec Gold Fields, son compatriote et quatrième producteur mondial d’or. Cette dernière a rapidement démenti l’information, même si l’entité combinée devait probablement être titulaire d’une production proche de 6 millions d’onces d’or. AngloGold Ashanti reste ainsi, pour le moment, fidèle à son
Agence Ecofin
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