Avec le réchauffement climatique, le stress hydrique est une menace tangible sur le continent africain. Fédérer les projets relatifs à l’eau afin de faciliter leur accès au financement climatique est la raison d’être de l’initiative «De l’eau pour l’Afrique» («Water for Africa») née à la COP22, au Maroc, et qui affiche ses ambitions durant la COP23 présidée par les îles Fidji.
«La problématique de la sécurité hydrique et la sécurité alimentaire en Afrique (doivent être) prise au sérieux», a lancé Charafat Afailal, secrétaire d’Etat chargée de l’Eau au Maroc, le 11 novembre 2017 lors de la présentation de l’initiative «Water for Africa» (l’initiative «De l’eau pour l’Afrique») sur le pavillon du Maroc à la COP23. Laquelle se tient à Bonn, en Allemagne, sous la présidence des îles Fidji.
«Le changement climatique aggrave la situation de stress hydrique et menace le développement économique du continent africain», indique un document relatif au projet. Ainsi «la part de la population africaine qui fera face au stress hydrique passera de 47%, en 2000, à 65% en 2025».
La secrétaire d’Etat marocaine s’est ainsi réjouie que ce qui n’était «qu’un appel (« L’appel de Rabat »)» se concrétise. Ce dernier avait été lancé lors de la conférence internationale sur l’eau et le climat en 2016, quelques mois avant la tenue de la COP22 présidée par le Maroc, «pour attirer l’attention de la communauté internationale sur la question de l’eau en Afrique», clé «pour la stabilité et la paix sur le continent africain».
«Le problème aujourd’hui en Afrique, c’est que nous avons de l’eau, mais les populations n’y ont pas accès parce que nous n’avons pas les infrastructures nécessaires et leur mise en place est onéreuse. Quand cette question de l’infrastructure sera réglée, l’eau parviendra aux gens», estime Bai Mass Taal, premier secrétaire exécutif du Conseil des ministres africains chargés de l’eau (AMCOW), partenaire politique de «cette initiative africaine» formalisée à la COP22.
Faciliter l’accès aux fonds climatiques
L’ambition principale du projet est d’améliorer l’accès au financement climatique. «C’est un processus qui va faciliter l’accès des pays africains aux fonds climatiques», a expliqué Jean-Michel Ossete, coordinateur par intérim de la Facilité africaine de l’eau de la Banque africaine de développement (BAD) qui est, avec la Banque mondiale, l’un des bailleurs de fonds de «Water for Africa».
«Nous ferons en sorte que les partenaires financiers, les acteurs institutionnels, la société civile et les opérateurs privés se sentent réellement concernés, que nous arrivions à rendre opérationnelle cette initiative, et surtout que les résultats escomptés soient atteints», a-t-il promis.
«Water for Africa», soutenu aussi par le Conseil mondial de l’eau (CME), «ne se positionne pas en tant qu’alternative (…) mais elle vient plutôt compléter, fédérer les initiatives déjà engagées», a rappelé la secrétaire d’Etat chargée de l’Eau au Maroc, Charafat Afailal. Les projets existants ont été ainsi répertoriés «pour ne pas réinventer la roue».
L’initiative traduit la volonté de renforcer le lien entre l’eau et le climat sur le continent africain. La démarche fait écho à une tendance mondiale. A Bonn, les différents acteurs qui opèrent dans le secteur de l’eau se mobilisent afin que la ressource, qui n’est jamais mentionnée dans l’accord de Paris, soit officiellement prise en compte dans les stratégies d’adaptation et d’atténuation relatives au changement climatique. De fait, environ 90% des contributions déterminées au niveau national (CDN), soumises dans le cadre de l’accord de Paris, reconnaissent l’importance de l’eau pour l’adaptation.
Mettre fin à l’antagonisme financier entre eau et environnement
«La ressource en eau peut être utilisée pour améliorer la santé, pour produire de la nourriture, favoriser l’éducation… On a besoin de planifier les projets de développement en mettant l’eau au centre» des débats, affirme Maggie White, du Stockholm International Water Institute et co-présidente de l’Alliance for Global Water Adaptation (AGWA).
Pour cela, il faut se poser les bonnes questions. «Quel est ce territoire? Quels sont les besoins de ces populations sur ce territoire et comment l’accès à cette ressource en eau va permettre de répondre à tous ces enjeux? L’entrée par l’eau permettra d’être beaucoup plus efficace dans nos interventions en matière de développement», ajoute l’experte.
«En Europe, note l’ancien secrétaire d’Etat gambien Bai Mass Taal, la consommation d’eau varie entre 2.000 et 3.000 m3 par tête et par an. En Afrique, elle se situe entre 50 et 150 par tête et par an. Dans tous les pays, l’eau a été utilisée comme un moteur du développement car l’eau est présente dans tous les secteurs». Ce qui rend, comme partout ailleurs,«difficile» le financement des projets relatifs à cette ressource en Afrique.
«Les acteurs de l’eau s’occupent d’eau, ceux du climat de climat, le secteur agricole d’agriculture (…). Et «les acteurs du secteur de l’environnement ne veulent pas que la communauté de l’eau vienne se prévaloir de fonds dédiés aux questions environnementales». L’initiative «De l’eau pour l’Afrique», conclut-il, «va permettre de réunir les acteurs environnementaux et la communauté de l’eau sous la même ombrelle» afin de faire face aux défis du changement climatique.
geopolis.francetvinfo.fr
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